En 1982, la pièce de Doric Wilson (1939-2011) Street Theater est mise en scène d'abord à San Francisco (Theater Rhinoceros) et ensuite à New York par la compagnie, fondée par Wilson en 1974, The Other Side of Silence (TOSOS). La pièce recrée l'atmosphère de Stonewall à la veille des émeutes en faisant revivre une galerie de personnages empruntés à l'histoire (élément documentaire de la pièce) et au théâtre (deux personnages viennent par exemple de la première pièce gay produite sur Broadway en 1968 : The Boys in the Band). La pièce à New York sera accueillie au Mineshaft un bar gay cuir en 1982 mais aussi dernièrement en 2017 où elle fut remontée dans un autre bar cuir The Eagle. Ces productions d'un théâtre gay dans des espaces communautaires témoignent des origines et peut-être de l'endurance de l'esprit Off Off Broadway. Plus largement, cet effort de faire communauté queer constitue notre interrogation principale. Comment le spectacle tisse une conscience politique et culturelle qui permet de formuler un mode de résistance à l'oppression sociale ? Les modèles des luttes culturelles ont-ils évolué entre 1969, 1982 et 2017 ? Par ailleurs, le théâtre reste-t-il pertinent à l'ère de la technologie cybernétique pour faire communauté ? Enfin, Street Theater n'est-elle qu'une pièce mémorielle ou peut-elle encore fournir des stratégies de résistance contre les puissances normatives ?
La pièce permet d'interroger comment dès les années 1980 un témoin de l'émeute de 1968 recrée un événement du passé pour éclairer le présent. Le script (publié dans une anthologie majeure du théâtre gay et lesbien, Out Front) est une première trace qui permet d'explorer les mécanismes de représentation et de rétrospection à l'œuvre dans la construction de la mémoire gay comme outil militant. Une attention particulière sera portée à la façon dont les critiques contemporaines (depuis la fin des années 1990) sont pertinentes ou non quant à l'effacement des questions intersectionnelles, trans, raciales dans la première vague mémorielle de l'émeute. En outre, l'histoire de la production de cette pièce, jouée uniquement dans le périmètre d'Off Off-Broadway, sera étudiée dans la mesure où elle suggère les conditions de représentation d'une histoire queer. Le positionnement minoritaire de la pièce, son style satirique, sa nature hybride sont autant d'indices d'un travail en tension, formulant un espace de dissidence productive qui pourrait aussi révéler l'intérêt profond de repenser Stonewall aujourd'hui.
| Type : | : | Communication |
| Commentaire | : | Xavier Lemoine est Maître de conférences d'études américaines à l'Université Paris-Est Marne-la-Vallée. Ses recherches portent sur le théâtre et la performance queer aux États-Unis, et sur les questions d'identités et de représentations postmodernes (sexualités, genres, race, multimédia, hybridité). Il a aussi travaillé comme assistant à la mise en scène (Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique, Théâtre du Soleil, Jeune Théâtre National) et traducteur (The Baltimore Waltz de Paula Vogel). Ses travaux sont publiés dans des revues à comité de lecture (Études anglaises, GRAAT On-Line) et dans des ouvrages collectifs (PU de Bordeaux, Rodopi). Il a codirigé l'ouvrage Understanding Blackness Through Performance: Contemporary Arts and the Representation of Identity (Palgrave Macmillan, 2013). Il rédige actuellement un ouvrage sur la constitution d'un canon du théâtre queer. |
| Thématiques | : | Atelier 2 : Représenter Stonewall : célébration, invibilisation, normalisation et homonormativité |
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