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Des émeutes archivées, archivantes, archiviolentes : analyser les violences et résistances dans l'archive-Stonewall
Quentin Zimmermann  1  
1 : Université Lille 3
Laboratoire Cecille

Les débats actuels concernant Stonewall s'attachent moins aux émeutes elles-mêmes qu'aux différentes traces qu'elles ont laissées : quels outils transféministes pouvons-nous nous donner pour analyser ces traces et mettre au jour les formes de violence qui en découlent ? Et comment ces dernières sont-elles prises en compte dans les projets visant à y résister ? Dans un premier temps je mettrai en avant les formes de violence opérées par l'« archive-Stonewall », par laquelle j'entends l'ensemble des traces du soulèvement et des principes de sélection et d'organisation de ces traces. Les émeutes furent archivées dès leur éclatement à travers un traitement médiatique et des mises en récit qui contribuèrent à les façonner (Duberman 1993), et jusqu'à aujourd'hui du fait d'un important dispositif commémoratif composé de célébrations, de slogans, de productions graphiques, livresques et audio-visuelles, de discours politiques, d'initiatives touristiques, d'expositions, etc. Les modalités et l'importance de ce dispositif en font également un événement archivant, de par les technologies mémorielles qui en naquirent (Armstrong & Crage 2006) ainsi que la centralité des émeutes dans la mise en forme et en récit des luttes et de l'histoire LGBTQI+. Ce dispositif, en incluant et en excluant certains groupes sociaux, en contribuant à l'effacement de certains événements (Stryker 2008), en imposant une certaine découpe de l'archive (Foucault 2008) et un mythe des origines, est l'un des exemples les plus importants de « violence archivale » (Derrida 1995) dans l'histoire LGBTQI+. Cette violence archivale ne rend cependant pas compte de tous les effets produits actuellement par l'archive-Stonewall, et il s'y ajoute notamment une violence matérielle dans la reproduction d'oppressions économiques et légales, et une « violence épistémique » (Spivak 1988) dans la dévalorisation des savoirs et des expertises des premiers.ères concerné.e.s. Une attention à ces trois formes de violence dans l'analyse de l'archiveStonewall montre que les émeutes, archivées et archivantes, sont également et semble-t-il immanquablement archiviolentes. Or de nombreux projets s'inscrivent dans ce dispositif commémoratif tout en visant à « déconstruire le mythe » ou lutter contre les effacements de certains groupes sociaux, donc à résister à ces formes de violence. Dans ce deuxième temps, j'analyserai plutôt des initiatives individuelles, associatives et militantes en France et aux États-Unis, ainsi que des entretiens avec celleux qui les mènent. Je montrerai ainsi comment les formes de violences sont conceptualisées dans ces projets et comment ceux-ci se proposent d'y résister. À travers leurs actions, ces initiatives construisent des épistémologies (des ensembles de savoirs et de savoirs-faire) qui politisent Stonewall et ses traces dans un contexte homonationaliste (Puar 2017), homocapitaliste (Rao 2015) et transnational (Bachetta 2002).

 


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