Au printemps 1974, apparaît le premier Groupe de libération homosexuel (GLH) à Paris. Il prend le relais politique du Front homosexuel d'action révolutionnaire, le FHAR, disparu quelques mois plus tôt. Ce dernier, qui aujourd'hui incarne pour beaucoup le mythe fondateur du mouvement homosexuel français, est une référence continue pour les GLH et permet de faire rupture avec une homosexualité respectable, prônée par le Club Arcadie depuis 1954. Trois ans plus tard, ce sont près d'une trentaine de GLH qui se répartissent sur l'ensemble du territoire français. Pour les GLH il s'agit de faire mouvement et la perspective de se structurer s'exprime très tôt. Jean Luc Hennig, journaliste à Libération, écrit ainsi le 21 juin 1975 que « ce qui compte pour l'instant, c'est [...] de constituer un vaste mouvement (comme outre-atlantique) qui puisse mettre en échec dans l'immédiat le système répressif[1] ». Pour faire mouvement, le besoin d'organisation et la lutte pour la visibilité sont des enjeux majeurs : il s'agit d'occuper la rue, de se doter d'organes de presse pour sortir de l'isolement, de se structurer à l'échelle nationale et de regarder vers l'international. Si dès 1975 les militant.es organisent une commémoration des émeutes de Stonewall, les regards sont davantage tournés vers les pays voisins : le Royaume-Uni, l'Italie ou les Pays-Bas. Les GLH s'inscrivent par ailleurs dans un contexte politique spécifique, marqué par la prégnance des conflits sociaux des longues années 1968, et d'une rhétorique militante encore très empreinte de marxisme et des discours de l'extrême gauche. Alliés objectifs du mouvement féministe dont ils s'inspirent, présent dans de nombreuses luttes sociales, les GLH expérimentent cependant de nouveaux répertoires d'actions et de façons de s'inscrire dans le monde militant : vivre un militantisme homosexuel implique une nette rupture avec un militantisme plus classique et partisan. Il est alors nécessaire de comprendre l'articulation des enjeux d'émancipations avec ceux d'une lutte politique plus générale contre la répression et pour l'abrogation des lois pénalisant l'homosexualité. Que ce soit par les trajectoires militantes, une rhétorique majoritairement révolutionnaire ou la volonté d'en finir avec le « ghetto homosexuel » les Groupes de libération homosexuels participent ainsi à donner une singularité au mouvement homosexuel français.
[1]Henning Jean Luc, « Naissance d'une autre histoire de l'homosexualité », Libération, 21 juin 1975
Intervenant
Mathias Quéré est doctorant en histoire contemporaine à l'université Toulouse Jean Jaurès au sein du laboratoire FRAMESPA. Il travaille sur l'histoire du mouvement homosexuel français dans les années 1970 et 1980 et s'intéresse plus spécifiquement aux Groupes de libération homosexuels (1974-1979) et au Comité d'urgence anti répression homosexuelle (1979-1986).